Licenciement pour inaptitude médicale & consultation du CSE

Licenciement pour inaptitude médicale & consultation du CSE

Gérer l’inaptitude médicale d’un salarié est un exercice délicat pour tout employeur.

Malgré les précisions apportées par la loi « Travail » du 8 août 2016 et les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017, certaines zones d’ombre subsistent encore, créant une véritable insécurité juridique.

Or, le non-respect de certaines étapes clés, comme la consultation obligatoire du CSE sur les possibilités de reclassement, peut rendre un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C’est dans ce contexte qu’un arrêt rendu le 5 mars 2025 par la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-13.802) a retenu mon attention. La Haute juridiction y confirme une position constante : l’employeur doit consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement d’un salarié déclaré inapte avant toute procédure de licenciement, même lorsqu’aucun poste adapté n’existe.

Pour mieux saisir la portée de cette décision, revenons d’abord sur les règles applicables en matière d’inaptitude médicale.

 

Présentation de l’inaptitude médicale

L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé (physique ou mental) du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe.

Elle peut-être :

- D’origine professionnelle : liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
- D’origine non professionnelle : liée à une maladie ou un accident sans lien avec le travail.

L’inaptitude d’origine professionnelle ouvre des droits renforcés pour le salarié, notamment en matière d’indemnisation.

 

La procédure à suivre en cas d’inaptitude - Conseils pratiques pour l’employeur

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, plusieurs étapes doivent être suivies par l’employeur. Compte tenu des conséquences que peuvent engendrer une erreur dans la procédure initiée, la plus grande rigueur s'impose.

Voici une feuille de route pour sécuriser vos procédures de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle :

  • Réception de l'avis d'inaptitude

L'avis du médecin du travail est le point de départ. Analysez-le en détail (restrictions, capacités résiduelles, etc.).

  • La recherche d’un poste de reclassement

L’employeur doit rechercher un poste adapté aux capacités du salarié, en tenant compte des préconisations du médecin du travail.

Cette recherche se fait au sein de l’entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe. Elle se doit d’être loyale et sérieuse.

  • Les cas de dispense de reclassement

Si le médecin du travail mentionne expressément sur l’avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », l’employeur n’a aucune obligation en matière de reclassement. Il doit engager la procédure de licenciement.

  • La consultation du CSE

Quand ? Impérativement après la réception de l'avis d'inaptitude et avant de notifier au salarié l'impossibilité de reclassement et de le convoquer à un entretien préalable.

Comment ? Convoquez le CSE à une réunion (ordinaire ou extraordinaire) avec un ordre du jour explicite : "Consultation sur les possibilités de reclassement de M./Mme X, déclaré(e) inapte à son poste".

Quoi ? Fournissez aux élus des informations précises et écrites : l'avis d'inaptitude, les conclusions du médecin du travail, le détail de vos recherches (périmètre, postes étudiés, raisons pour lesquelles ils ne sont pas compatibles), et les éventuelles pistes de reclassement.

L’absence de CSE justifiée par un procès-verbal de carence établi à l'issue des élections professionnelles permet à l’employeur de s’affranchir de son obligation de consulter les représentants du personnel avant d’engager une procédure de licenciement pour inaptitude.

  • Recueil de l'avis du CSE

L'avis du CSE est consultatif, mais il doit être recueilli et consigné dans un procès-verbal. L'employeur reste libre de sa décision finale, mais doit pouvoir justifier sa position, notamment s'il écarte une proposition des élus.

  • Notification au salarié

Ce n'est qu'après avoir accompli ces diligences que vous pourrez soit, proposer un ou plusieurs postes de reclassement au salarié soit, en cas d'impossibilité avérée et après consultation du CSE, informer le salarié de cette impossibilité de reclassement.

  • Le licenciement

Si aucun poste adapté n’est trouvé ou si le salarié refuse les propositions conformes aux préconisations médicales, l’employeur peut engager la procédure de licenciement.

En conclusion, cet arrêt du 5 mars 2025 est une piqûre de rappel salutaire. En matière d'inaptitude professionnelle, la consultation du CSE n'est pas une option. C'est un pilier de la procédure dont l'omission expose l'employeur à une condamnation quasi-automatique pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences financières qui en découlent. La rigueur procédurale est, plus que jamais, la meilleure protection.